Le magazine Revue Banque publie dans son numéro de septembre un grand dossier sur les applications blockchain développées au sein des banques. Dans ce cadre, Revue Banque a donné la parole à Adrien Lafuma, cofondateur de Blockchain Partner et Lead Blockchain Architect.
Dans son article, intitulé « Les stratégies blockchain des acteurs financiers confrontées à la réalité », Adrien Lafuma présente ses retours d’expériences suite aux expérimentations blockchain menées au sein de grandes banques depuis plusieurs années.
« En France, l’expérimentation bancaire la plus aboutie semble être le projet de la Banque de France [accompagnée par l’équipe de Blockchain Partner], dont l’application devrait être déployée avant la fin de l’année, ou à défaut début 2018», écrit-il. « Les autres projets français sur lesquels Blockchain Partner est intervenu évoluent de différentes manières : certains relevaient plutôt d’une logique d’expérimentation pure, et n’avaient pas pour ambition d’aller nécessairement au-delà de la phase de prototypage ; d’autres ont mis en avant des problématiques autour de la confidentialité et des volumes qui ne semblent pas surmontables à court terme et restent donc en pause.«
Des tests en circuits fermés
Au-delà de la France, les initiatives sont nombreuses, présente-t-il, notamment aux États-Unis (où le Nasdaq, par exemple, a développé un produit centré sur l’échange de titres de sociétés non cotées), en Asie, ou encore en Russie avec des expérimentations sur le protocole Nxt. Ces initiatives sont souvent menées dans le cadre de consortiums, dont le plus connu est R3CEV, même s’il en existe d’autres : « pensons ainsi au consortium japonais créé fin 2016 entre une quarantaine de banques asiatiques, dont l’expérimentation de transfert d’argent en temps réel via le protocole Ripple s’est avérée concluante et va être commercialisée».
Néanmoins, il explique qu’il est difficile de connaître, au-delà des effets d’annonce, les résultats concrets des expérimentations menées dans le secteur financier. « Les organisations communiquent au début des phases de test, mais en font rarement publiquement le bilan. Or ces tests s’effectuent systématiquement en circuits fermés, dans des cercles restreints, ce qui empêche les acteurs extérieurs de se connecter à un produit pour le tester par eux-mêmes. »
Les obstacles au développement d’applications blockchain en banques
Adrien Lafuma estime que le développement de projets blockchain au sein du système informatique des grandes banques affronte plusieurs obstacles, impliquant des efforts dont le retour sur investissement est aujourd’hui difficile à évaluer : « Ces limites tiennent en particulier au fait que les pratiques et processus habituels de sécurité (logiciels audités et autorisés en interne…) sortent des sentiers battus avec les projets blockchain. Par exemple, le fait que les projets blockchain soient basés sur des réseaux pair à pair renverse la logique des environnements traditionnels qui reposent sur une architecture client-serveur. Ces logiques non traditionnelles peuvent s’avérer compliquées à concilier avec les systèmes bancaires actuels. Il est par exemple difficile de faire tourner un nœud en interne qui communique à la fois avec des nœuds externes et avec des applications internes.
En outre, les versions des logiciels proposés (qui ont été audités par la sécurité informatique de l’institution financière) et autorisés pour les projets sont souvent peu à jour, ce qui constitue un autre obstacle pour développer des projets blockchain : les technologies blockchain avancent en effet très rapidement, et les versions des logiciels s’enchaînent vite, alors que les temps de validation en interne sont longs. »
Les limites des consortiums
Il pointe par ailleurs les limites de la logique des consortiums, qui constituent une autre stratégie réalisée par les institutions bancaires pour expérimenter la blockchain. « L’idée initiale de ces consortiums est de mutualiser les coûts d’expérimentations, mais le nombre, souvent très (voire trop) important, d’acteurs réunis complique fortement les avancées de ces initiatives. Le consortium R3CEV, composé de plusieurs dizaines d’acteurs financiers, a certes tenté de répondre à ce problème en répartissant les organisations membres en différents groupes de travail, soit autour d’une zone géographique, soit autour d’un métier spécifique. Néanmoins, cette méthode n’a pas permis de surmonter l’obstacle de fond : si les acteurs réunis autour de la table se déclarent d’abord volontaires pour expérimenter, il s’avère en pratique que chacun se montre réticent à expérimenter les cas d’usage les plus disruptifs pour leurs cœurs de métier respectifs. Dès lors, chacun pose des conditions restrictives qui limitent fortement le champ des possibles.»
Pour ces raisons, il juge qu’il est permis d’être « réservé sur les résultats à venir des différents consortiums » et souligne qu’«à ce jour, très peu d’applications fonctionnelles ont été développées par ces consortiums, même si cela reste logique au vu de leur taille, qui ralentit le rythme d’avancement». Selon lui, toute la question est de savoir si dans 2 ans, ou même 5 ans, des résultats concrets et intéressants auront été produits. « Déjà, plusieurs membres commencent à s’impatienter ; le consortium R3CEV a du reste connu des défections de la part de membres importants au cours des derniers mois (JP Morgan, Goldman Sachs, Morgan Stanley, Santander…), d’autant plus symboliques que certains faisaient partie des membres fondateurs.«
Dès lors, il estime que l’innovation blockchain dans le secteur bancaire viendra plus probablement des startups, plutôt que des consortiums ou des acteurs bancaires eux-mêmes, même s’il est tout-à-fait possible que certaines startups se fassent racheter ensuite par des grands acteurs du secteur.
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