Alexandre Stachtchenko, cofondateur de Blockchain Partner et président de l’association Chaintech, était l’invité jeudi 30 novembre de l’émission « L’info du vrai » sur Canal +, pour apporter son point de vue sur le bitcoin, qui a récemment franchi la barre des 10 000 dollars.
Plusieurs sujets ont été abordés :
-Le bitcoin a-t-il une valeur intrinsèque ?
* Le bitcoin, rattaché à rien ? « Il faut d’abord rappeler que l’argent – euro ou dollar – n’est pratiquement que virtuel : les billets qui circulent ne sont qu’une infime minorité par rapport à tout ce qui circule sur les marchés. Une critique faite souvent à Bitcoin est l’idée qu’il ne serait rattaché à rien : si j’étais provocateur je dirais que l’euro ou le dollar ne sont rattachés à rien non plus et que le bitcoin est même plus rattaché au réel, car il coûte de l’énergie à produire : il a donc un coût d’émission. Créer un bitcoin coûte environ entre 1000 et 1500 dollars. »
* Bitcoin, la nouvelle tulipomania ? « On entend souvent la comparaison entre le bitcoin et les tulipes en Hollande en 1637 : la différence fondamentale que je fais entre un bitcoin et une tulipe, c’est que je n’ai jamais vu un bitcoin se faner. Un bitcoin a une pérennité qui n’est décidée par personne. J’enjoins tout le monde à comprendre comment ça fonctionne. Le comportement du « j’achète même si je ne comprends pas trop ce que c’est », je n’incite pas les gens à l’avoir. Il faut comprendre la technologie et la monnaie : comment elle fonctionne, quels sont ses acteurs, etc. Une fois qu’on a compris ce qui s’y passe, les risques, pourquoi on y allait, là on peut investir. »
* Bitcoin crée de la rareté numérique : « Bitcoin crée un Internet de la valeur. Le problème avec Internet est le suivant : si on envoie un fichier à un destinataire, on envoie en réalité seulement une copie, car l’émetteur garde le fichier initial. Cela pose évidemment problème s’il s’agit d’envoyer de la valeur, notamment monétaire. Bitcoin résout ce problème-là : le bout d’information que j’envoie n’existe plus sur l’ordinateur de départ. Cela a des implications considérables car cela crée de la rareté numérique. »
* Un outil inédit pour les non-bancarisés : « On oublie souvent que la banque est réservée à ceux qui sont bancarisés. Or 2 milliards de personnes sur cette planète ne sont pas bancarisés. Comment font-ils ? Eh bien ils ne font pas. Ou plutôt, ils utilisent du cash, du physique, mais c’est compliqué d’envoyer du cash en physique d’un village à un autre par exemple. »
* Une nouvelle classe d’actifs : « Aujourd’hui Bitcoin s’éloigne de plus en plus de sa valeur de monnaie, pour une raison simple : les frais de transaction sont assez élevés (4 à 5 dollars par transaction), donc si je veux payer mon café avec 1 euro plus 4 euros de frais de transaction ça n’a pas de sens. C’est pour cela que je critiquerais même l’appellation de monnaie. Pour moi c’est autre chose, c’est une nouvelle classe d’actifs. »
* La spéculation : « il y en a, bien sûr, beaucoup même. Maintenant il ne faut pas se focaliser sur le fait que c’est une bulle ou pas. Je pense qu’on a tort de se focaliser sur le fait qu’hier c’était à 9000, aujourd’hui à 10 000, demain à 11 000, etc. : ce n’est pas le sujet. Le sujet, c’est qu’il y a un engouement qui dépasse le simple « je vais me faire de l’argent ». Un sondage fait par bitcoin.fr a posé la question à ceux qui ont du bitcoin : « pourquoi en possédez-vous ? » : la raison « pour gagner de l’argent » n’arrive en première que pour 17% des sondés. »
– La régulation : Alexandre a rappelé d’une part que la régulation sur les ICO est en cours : « l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) a lancé une consultation publique sur la régulation des levées de fonds en cryptomonnaies », d’autre part que Bitcoin en tant que protocole ne peut pas être directement régulé : « C’est une des valeurs intrinsèques du bitcoin : bitcoin fonctionne sur le réseau décentralisé Bitcoin. Quand on parle de Bitcoin on parle de deux choses : Bitcoin (grand B) qui est un protocole, à la manière de Http par exemple, et bitcoin (petit b) qui est un jeton numérique. Concernant le protocole Bitcoin, qui fait circuler les bitcoins qui s’achètent à 10 000 dollars, c’est la même donne pour que Http : bon courage pour aller le réguler ! La seule manière qu’ont les régulateurs c’est d’aller voir les portes d’entrée et de sortie (les plateformes d’échange, etc.), mais vous ne pourrez jamais réguler le protocole : c’est impossible.«
– La sécurité : il a rappelé qu’il faut distinguer deux niveaux de sécurité :
* d’une part, le niveau protocolaire : « la manière dont sont faites les transactions sur Bitcoin est une des plus sécurisées au monde. Il n’y a jamais eu aucun piratage réussi depuis sa création. Ce niveau protocolaire est intègre. »
* d’autre part, la protection des clefs privées : « quand vous possédez des bitcoins vous possédez un mot de passe. Vous avez intérêt à le garder quelque part car si vous le perdez, vous ne pourrez plus accéder à vos bitcoins. Sur la sécurité de ce mot de passe, on retombe sur de la sécurité classique, quotidienne. S’agissant des affaires de vols de bitcoins, on parle d’utilisateurs qui avaient stocké des mots de passe quelque part. Ce sont des serveurs classiques qui avaient été piratés. »
– Le blanchiment : « je trouve qu’un procès assez hypocrite est fait au bitcoin : c’est une des monnaies les plus traçables du monde. Les identifiants des utilisateurs sont certes des pseudonymes, mais une anecdote est assez révélatrice à ce sujet : c’est l’exemple de SilkRoad, une ancienne plateforme d’échange illégale d’armes, de drogues, etc. payables en bitcoin. Quand l’activité d’une telle plateforme reste limitée, ça ne préoccupe personne. Mais le jour où SilkRoad est devenue inquiétante, le FBI a commencé à s’en préoccuper, en plaçant deux agents sur la question. En 6 mois, le site a été fermé, et le fondateur a été placé en prison à vie. C’est toute la différence entre pseudonyme et anonyme : si vous laissez la moindre trace, on parviendra à trouver votre identité. »
–> Regarder l’émission et le débat dans son ensemble :