UX / UI dans la blockchain : exemples de travaux et réflexions

Image ci-dessus : interfaces conçues par notre Designer dans le cadre de nos travaux sur les Decentralized Identities (DID) lors du hackathon « Blockchain and the city » organisé en novembre 2019 (voir ici la synthèse de ces travaux sur les DID). Retrouvez sur ce lien l’ensemble des interfaces de ce projet.

C’est une cause entendue depuis des années : les usages des blockchains et cryptomonnaies ne se développeront pas massivement sans progrès significatifs en matière d’expérience utilisateur (UX). L’UX est citée depuis l’émergence de cet univers comme l’un des défis prioritaires pour atteindre une adoption grand public, au même titre que l’enjeu de scalabilité.

Un sondage de janvier 2019 réalisé auprès de 160 fondateurs et développeurs de Dapps indiquait du reste que les limites de l’UX dans l’univers crypto était considérées par les répondants comme leur deuxième plus grand « pain point », devant les obstacles en matière de scalabilité :

UX blockchain

UX & UI chez Blockchain Partner

Chez Blockchain Partner, nous portons depuis plusieurs années un soin spécifique à ces enjeux, aussi bien pour les projets sur-mesure développés pour nos clients que pour nos produits. C’est notamment en ce sens que nous avons conçu Datatrust, notre solution de certification sur la blockchain Ethereum (utilisée aujourd’hui notamment par plus d’1/3 du CAC40) : comme nous l’expliquions à son lancement en 2018, Datatrust a été construit de telle façon que toute organisation peut l’utiliser de manière la plus intuitive possible et ainsi bénéficier de l’usage des blockchains sans aucun pré-requis technique.

Après avoir travaillé les deux années précédentes avec des designers indépendants, nous avons fait le choix de franchir un nouveau palier en 2019 en recrutant un Designer dédié, Hugo Moley-Cirot.

Ci-dessous, nous vous proposons de découvrir un aperçu de deux de ses travaux récents, notamment en matière d’interfaces (les projets clients en question ont été anonymisés) :

Projet n°1 :


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Projet n°2 :


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🡪 Retrouvez l’ensemble des interfaces des projets cités ici en version HQ sur notre profil Behance
, que nous enrichirons ces prochains mois avec de nouveaux travaux.

🡪 N’hésitez pas à nous contacter pour tout besoin en matière d’UX et de design pour vos projets blockchain !

Quelques réflexions sur l’UX dans le monde blockchain

Nous profitons de cet article pour vous partager certaines remarques en matière d’UX et de blockchain. Sur un sujet aussi large et en perpétuelle évolution, ces réflexions sont évidemment non-exhaustives et ouvertes à la discussion !

Les progrès du monde blockchain ruissellent vers l’UX

Tous les progrès intrinsèques au monde blockchain ont une influence sur l’UX des Dapps. Citons ici plusieurs exemples, parmi d’autres :

Le développement des meta-transactions et du Gas Station Network ont été clefs pour l’amélioration de l’UX des Dapps depuis 2019.

Ces outils permettent notamment de déléguer le paiement des frais de transaction en s’appuyant sur des réseaux de « relayers ». Il est alors par exemple possible de payer les frais de transaction en tokens ERC20 au lieu de les payer en ether, ce qui permet de ne pas voir sa transaction bloquée pour cause de « fonds insuffisants » en ether (ce qui peut arriver lors de l’envoi de Dai, de NFT, etc.). En pratique, quand une transaction est effectuée, le token sélectionné pour le paiement des frais de transaction est relayé à un service qui paie ces frais en ether au mineur et prend le montant de tokens ERC20 en compensation.

Le standard WalletConnect a transformé la façon d’interagir avec les Dapps. Il y a un an et demi encore, interagir avec une Dapp impliquait le plus souvent d’utiliser Metamask. Aujourd’hui il est possible de s’en passer en fonction des cas, grâce à WalletConnect.

 

• Nous n’aurions pas pu réaliser l’an dernier notre projet de visualisation des DID (primé lors d’un hackathon organisé en décembre) si le protocole TheGraph (né mi-2018) n’avait pas existé.

Demain, les ZKP (Zero Knowledge Proofs) auront, elles aussi, une influence sur l’UX. Rappelons que les ZKP sont un outil au service de la confidentialité mais aussi de la scalabilité des blockchains. Il deviendra notamment possible d’héberger toute une blockchain sur son smartphone.

L’UX des applications blockchain évolue donc constamment au gré des progrès réalisés plus globalement dans l’univers blockchain. Pour cette raison, certaines avancées en matière d’UX pourraient aller jusqu’à être rendues obsolètes à l’avenir.

Ainsi, lors des débuts d’Ethereum, il était beaucoup question d’Optimistic UI. Appliquée au monde blockchain, la notion d’Optimistic UI consiste en particulier à faire apparaître à l’utilisateur le résultat de son action (par exemple, la validation d’une transaction et les implications de cette transaction) comme si cette action s’était bien déroulée sur la blockchain, sans avoir à attendre que celle-ci ait été effectivement réalisée (ce qui peut prendre plusieurs dizaines de secondes si ce n’est plus). L’utilisateur n’est ensuite notifié d’un changement que si une erreur se produit dans le déroulement de l’action en question sur la blockchain.

Ces derniers mois et années, des avancées importantes ont été réalisées en la matière : des guidelines et des librairies sont notamment apparues permettant aux concepteurs de Dapps d’appliquer plus facilement ces principes d’Optimistic UI.

Il est toutefois envisageable que l’Optimistic UI perde une partie de sa raison d’être lorsqu’Ethereum supportera une meilleure scalabilité, étant donné que les délais de validation des transactions devraient chuter.

Un enjeu de sécurité

L’UX dans le monde blockchain n’a pas seulement pour intérêt de faciliter les usages : elle constitue aussi un enjeu de sécurité. Sur ce volet, des progrès importants ont été effectués depuis l’an dernier.

De plus en plus de standards se mettent en place pour que l’UX soit au service de la sécurité. Ainsi, à l’heure où les wallets permettent de plus en plus de signer tout type de transactions et de messages, de nouvelles propositions d’amélioration d’Ethereum (EIP 712 notamment) sont apparues encore récemment pour éviter aux utilisateurs de signer par inadvertance des actions dont ils ne mesurent pas réellement les conséquences.

En effet, sauf exceptions, dans le monde blockchain à partir du moment où un utilisateur signe un transfert, l’action démarre et il n’est alors plus possible de revenir en arrière : l’enjeu de sécurité se pose donc avant la signature. Il est donc essentiel que quand une application demande à l’utilisateur d’effectuer une signature, celle-ci soit faite en toute connaissance de cause.

C’est par exemple notamment pour cette raison qu’ENS (Ethereum Name Service) a été créé : il est plus facile d’envoyer de l’ether à philippe.xyz qu’à une longue adresse Ethereum traditionnelle.

De façon générale, toute interface constitue un intermédiaire entre l’utilisateur et la blockchain, et donc un potentiel danger vis-à-vis de l’usage de la blockchain. Ainsi, toute action possible sur la blockchain devrait systématiquement être également possible au niveau de l’interface. C’est notamment le manquement de cette règle qui rend possible des failles de sécurité.

A noter que les progrès en matière d’UX et de sécurité se manifestent bien au-delà des interfaces : pensons par exemple aux « smart contracts wallet » comme l’application Argent, qui permettent d’effectuer du « social recovery », alors qu’il y a encore deux ans la norme était de demander directement à l’utilisateur sa « seed » (phrase de récupération).

Le principe du social recovery est d’autoriser des proches (amis, famille, connaissances…) ou même des entreprises ou d’autres wallets en sa propre possession, à restaurer l’accès à son propre compte.

L’utilisateur qui perd l’accès à son wallet peut alors faire appel à ces « gardiens » : des individus ou entités pré-définies, qui sont autorisées à achever le processus de récupération, sans pouvoir eux-mêmes capturer les fonds en question. Cette méthode permet de retrouver des fonds auxquels on a perdu l’accès sans avoir à transmettre sa « seed ». Au-delà, elle permet aux smart contracts wallets de contourner l’étape de la « seed phrase » (source de friction pour un certain nombre de nouveaux utilisateurs et considérée par beaucoup comme un obstacle non-négligeable pour une adoption massive), dont le concept n’est alors jamais introduit au nouvel utilisateur.

L’enjeu de la compréhension du lexique

« Le besoin d’éducation est clef » écrivait Taylor Monahan, fondatrice de MyCrypto, dans un bon article paru sur l’UX début 2019. « Votre Dapp doit m’enseigner les notions que je dois connaître pour pouvoir utiliser votre Dapp avec succès et avec confiance. Cela implique de m’aider à comprendre les concepts cœur et les nouveaux termes, et de s’assurer que je comprends les actions que je fais sur l’application et les raisons de ces actions ».

Ces remarques sont importantes, et ce d’autant plus que le lexique du monde crypto, qui n’a déjà en soi rien d’évident pour un nouvel utilisateur (private key, seed phrase, hardware wallet, etc.), se transforme lui-même. Notons entre autres que ce lexique a été d’abord mis au point par des développeurs et s’est confronté seulement ensuite aux utilisateurs non-techniques. Il est et sera donc amené à évoluer pour s’adapter à un usage grand public.

Les évolutions des applications elles-mêmes conduisent aussi parfois à changer les termes employés : ainsi Metamask, qui était présenté auparavant comme un wallet, ne se présente aujourd’hui plus de cette façon, mais plutôt comme la porte d’accès à la blockchain Ethereum.

Par ailleurs, il est effectivement essentiel que les utilisateurs comprennent non pas uniquement ce qu’ils doivent effectuer lorsqu’ils utilisent une Dapp, mais également pourquoi ils doivent l’effectuer. Cet effort de contextualisation de chaque action est crucial, là encore pas seulement pour une question de facilitation d’usage, mais aussi pour des raisons de sécurité, puisque quand l’utilisateur signe une transaction, les implications peuvent être très importantes.

Convergences et divergences d’UX entre Dapps

Sur un grand nombre de Dapps, les utilisateurs retrouvent des caractéristiques communes en termes d’UX : pensons par exemple à la présence (lorsque c’est pertinent) d’une balance et d’un historique des transactions, d’un lien avec un wallet, d’un « call to action » qui interagit avec la blockchain, etc.

Ces convergences sont autant de points familiers qui instaurent des habitudes et permettent ainsi aux utilisateurs de naviguer plus facilement dans le web décentralisé, ce qui aide à la démocratisation de ces technologies.

Ceci n’empêche cependant pas l’existence de divergences d’UX, signes de la richesse de cet univers qui ne bride pas – en tout cas à ce stade de développement – la créativité des designers et la diversité des expériences.

De façon générale, la diversité des applications blockchain se retrouve dans la diversité des UX. Une application de traçabilité de denrées alimentaires n’a évidemment pas besoin de la même UX qu’une Dapp de gaming. Certaines applications ont par exemple plus intérêt à masquer les transactions réalisées que d’autres. En revanche, on retrouve souvent des points communs d’UX entre Dapps servant pour une même typologie d’usage (la traçabilité, par exemple).

Sur les liens entre décentralisation et UX

Certaines solutions d’UX employées pour dépasser les contraintes des blockchains ont pu mener jusqu’ici à des logiques de recentralisation. Citons ici deux exemples :

1/ Les « custodian wallets ». Le fait de demander de sauvegarder une seed phrase est parfois vu comme un obstacle en termes d’UX durant l’onboarding de nouveaux utilisateurs. C’est ce qui a poussé à l’utilisation de custodian wallets, qui conservent eux-mêmes les clefs privées et donc en quelque sorte les fonds en question des utilisateurs, faisant perdre un avantage clef lié à la décentralisation des blockchains.

2/ Avec la croissance de la taille des blockchains, notamment d’Ethereum, les utilisateurs ont fait de plus en plus appel à des « trusted nodes », qui sont donc des tiers de confiance, pour accéder à la chaîne : pensons par exemple à Infura chez Consensys, qui repose lui-même sur AWS d’Amazon.

Cela étant, attention tout de même à ce fameux dilemme entre décentralisation et UX. Nous sommes convaincus qu’il est possible de concilier facilité d’usage et bonne utilisation des blockchains sans remise en cause des enjeux de sécurité et de décentralisation. A terme, nous pensons que ce « dilemme » perdra progressivement de son sens, à mesure que des améliorations seront déployées (exemple parmi d’autres : les ZKP permettront aux blockchains d’être plus légères).

Faut-il montrer ou cacher la blockchain sur les applications qui l’utilisent ?

Le mieux nous semble être de n’afficher que les informations nécessaires, lorsque c’est nécessaire. S’il n’y a pas besoin d’afficher des éléments liés à la blockchain, alors celle-ci a toutes les raisons d’être rendue invisible.

A terme, les choses se feront naturellement : on saura plus facilement ce qui est utile de présenter ou non. Ce questionnement-là a peut-être trait au timing : certains utilisateurs actuels peuvent avoir envie de « voir » la présence de la blockchain dans leurs interfaces pour marquer la différence avec les produits sans blockchain, par exemple par goût de la nouveauté.

Leçons du web 2.0

De façon générale, les grands principes d’UX de l’informatique actuelle sont assez similaires à ceux d’il y a quinze ans car des habitudes ont été forgées au départ – pensons par exemple au double clic. L’exemple de la disposition des touches sur le clavier est révélateur : des solutions plus optimales ont été identifiées depuis des années mais l’utilisateur s’étant adapté et habitué à la disposition initiale, « on » a préféré ne pas bouleverser les habitudes, bien qu’elles ne soient pas optimales.
Dans le monde numérique plus spécifiquement, l’UX a grandement été façonné par les géants du secteur, GAFA en tête.

Ayons donc en tête que les choix effectués aujourd’hui en termes d’UX dans le monde blockchain pourront avoir une influence sur toute la suite de cet univers.

Ceci étant dit, cela n’empêche pas des changements par la suite, fort heureusement. Lorsque les emails sont apparus, il n’était par exemple pas évident que la validation de l’envoi d’un email puisse être réversible. Il a fallu de nombreuses années pour que cette fonction soit mise en place (avec un délai que l’on peut choisir sur Gmail, par exemple). Pour dresser un parallèle, on pourrait imaginer pouvoir décaler la validation d’une transaction sur une blockchain d’un délai de quelques secondes (délai que l’utilisateur pourrait choisir) afin que l’utilisateur puisse avoir le temps de revenir sur sa décision s’il le souhaite. Du reste, depuis l’an dernier, il est d’ores et déjà possible sur Metamask d’annuler une transaction tant que celle-ci n’a pas été minée – signe de l’intérêt porté à ce besoin.

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Même si les avancées ont été riches sur ce terrain depuis l’an dernier, beaucoup reste encore à faire en matière d’UX dans le monde blockchain et crypto. Nous continuerons de travailler de près sur ces sujets pour pouvoir conseiller au mieux nos clients. En cas de besoin d’accompagnement sur l’UX ou l’UI de votre projet, n’hésitez pas à nous écrire !

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