Claire Balva, CEO de Blockchain Partner, a publié dans le magazine Revue Banque une tribune sur les Monnaies Digitales de Banque Centrale.
Morceaux choisis :
« Face au succès grandissant des cryptoactifs, les banques centrales se positionnent. Elles souhaitent utiliser une “blockchain”, mais sans toutefois basculer dans la “crypto”.
En réalité, une blockchain est philosophiquement incompatible avec un acteur tel qu’une banque centrale : ce protocole se caractérise par une forte décentralisation. Il ne peut donc être contrôlé par un acteur unique. C’est le cas des blockchains publiques en particulier : chacun peut librement accéder au registre, et participer au réseau. Le bitcoin fonctionne selon ce principe. Une banque centrale, si elle créait une blockchain publique pour gérer sa monnaie, perdrait de facto son pouvoir de création et de gestion monétaire.
Les projets de MDBC privilégient ainsi naturellement les blockchains dites “privées”. C’est le cas de la Banque de France qui, dans ses rapports “Monnaie digitale de banque centrale : une, deux ou aucune ?” et “La monnaie digitale de banque centrale” ainsi que dans ses expérimentations menées depuis 2020, envisage l’utilisation d’une blockchain privée pour une MDBC “de gros” et non “de détail”. »
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« Finalement, une MDBC, telle qu’elle est envisagée aujourd’hui en Europe et en France, concurrencera probablement plus l’écosystème traditionnel (utilisant de l’euro) que l’écosystème des cryptoactifs. Cela n’est pas nécessairement un problème: l’objectif principal derrière la création d’une MDBC est d’apporter plus de compétitivité aux banques centrales, en particulier à l’ère de la digitalisation.
Mais cela montre surtout que l’Europe se trompe de combat. A vouloir rendre la banque centrale compétitive, elle en oublie une autre réalité : une MDBC ne suffira pas à rendre l’euro lui-même compétitif dans le nouvel environnement technologique des cryptoactifs. «
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« Ce point est d’autant plus critique que les infrastructures blockchain comptent déjà des stablecoins, c’est-à-dire des cryptoactifs dont le cours est indexé sur des monnaies traditionnelles. Certains ont déjà acquis un statut de référence dans le secteur : les quatre plus grands stablecoins (Tether, USDC, Dai et Binance USD) représentent à eux quatre 96% de la capitalisation totale des stablecoins (voir Graphe). Ils sont tous les quatre indexés sur le dollar, ce qui renforce incontestablement l’influence monétaire des Etats-Unis. »
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« Contre l’hégémonie du dollar dans cet écosystème, les projets actuels de MDBC français ou européens n’apportent aucune réponse. Or, c’est bien là que tout l’enjeu se situe : la vraie question ne devrait pas être la compétitivité des banques centrales dans un monde qui se digitalise, mais la compétitivité de l’euro face aux cryptoactifs – et donc face au dollar.
La solution serait de concurrencer ces outils sur leur terrain, en créant un stablecoin indexé sur l’euro. Ce dernier pourrait par exemple être adossé à la blockchain Ethereum sur laquelle est d’ores et déjà construit l’essentiel des services de finance décentralisée. L’urgence, pour la compétitivité de l’euro, ne semble donc pas tant de créer une MDBC, mais de créer un stablecoin euro, qu’il soit une MDBC ou une monnaie commerciale. »